Actuculture

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Deux jours, une nuit de Jean-Pierre et Luc Dardenne

 Le temps d'un Week-end

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Deux jours, une nuit est le dernier film réalisé par les frères Dardenne. Celui-ci a été présenté à Cannes récemment. Détenteurs de deux palmes d'or pour Rosetta et La promesse, leur dernier film n'a pas su retenir l'attention du jury.

 

Jean-Pierre et Luc Dardenne mettent en scène Sandra (interprétée par Marion Cotillard, formidable) qui sort tout juste d'une dépression. Les dirigeants de l'entreprise où elle travaille ont décidé de mettre en place un vote qui met son sort dans les mains des salariés. En effet, ces derniers ont le choix entre accepter leur prime d'un montant de 1000 euros ou de renoncer à celle-ci. Le dilemme est simple : Sandra perd son travail s'ils acceptent la prime et vice-versa, s'ils renoncent, celle-ci revient dans l'entreprise. Ainsi, elle dispose d'un week-end pour convaincre un à un les salariés de voter pour elle. Or, complexe est la situation, aussi bien pour les personnages du film que pour le spectateur. Tout est justifié, l'issue est imperceptible. Cette prime semble indispensable à tous de la même façon que le travail pour Sandra. La somme de 1000 euros apparaît comme "tout" et "rien" à la fois, comme le dit parfaitement l'un des personnage : "1000 euros c'est un an de gaz et d'électricité".

 


 

Suspense, tensions, larmes, fatigue sont au rendez-vous dans ce film. Les Dardenne, loin des artifices, semblent au plus près du réel. Les diverses rencontres entre Sandra et ses collègues dressent un panorama des comportements humains. La colère, la haine, la peur, la tristesse, la culpabilité, la pitié envahissent chacun de ces salariés confrontés à un choix difficile et imposé par leurs dirigeants. En tant que spectateur, nous nous trouvons face à une réalité sociale, où chaque personnage semble démuni, désarmé et même désarmant. Par ailleurs, la mise en scène très travaillée permet de comprendre d'emblée le choix des différents personnages. Chaque duel laisse place à un suspense imposé par les Dardenne par une parfaite mise en scène. De surcroît, les propos de Sandra répétés à plusieurs reprises face  à chacun de ses collègues renforcent l'épuisement, la bataille qu'elle mène pour récupérer son travail et accentuent ce cercle vicieux dans lequel tout le monde se trouve, aussi bien Sandra, les salariés de l'entreprise mais aussi le spectateur.

 

Les frères Dardenne offrent à nouveau un film magnifique, puissant, qui nous prend aux tripes, où le suspense ne fait que monter. Les cinéastes mettent en scène un film à suspense qui apparaît proche du documentaire et de la fable sociale. .


26/05/2014
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Her de Spike JONZE

A.I

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Le dernier film de Spike JONZE met en scène Joaquin PHOENIX (vu l'année dernière dans The Immigrant de James GRAY) dans le rôle de Theodore et fait résonner la voix de Scarlett JOHANSSON qui s'apparente à un OS, un système informatique capable de s'adapter à la personnalité de son utilisateur. Theodore sort d'une rupture difficile avec Catherine interprétée par Kate Mara. Nous sommes dans un futur (pas si lointain que l'on peut le supposer) où tout est informatisé, dématérialisé. Theodore travaille dans une société où il s'occupe de dicter des lettres à son ordinateur qui permet une écriture manuscrite, écriture qui semble être oubliée, mais qui garde un certain charme. Devenue rare, elle s'apparente presqu'à un luxe.

 

Spike JONZE met en scène une histoire tout à fait crédible, le futur pourrait parfaitement ressembler à cette société dressée dans Her. En effet, les smartphones disparaitraient pour laisser place à une simple oreillette qui nous informerait des messages reçus, des appels, etc. (sur le modèle de Siri, en bien plus développé). Theodore adopte une intelligence artificielle, une simple voix capable de gérer l'intégralité de son ordinateur mais aussi de s'adapter à l'utilisateur et d'aller au delà, en développant des sentiments, des émotions. Ainsi, il va entretenir une relation amoureuse avec son OS. Cette pratique n'est pas sans nous rappeler la série suédoise Real Humans. Est-il possible d'avoir une relation amoureuse avec un ordinateur ? Or, dans Her, cette intelligence artificielle se résume à une simple voix. Le contact physique ne peut avoir lieu, cette voix laisse libre votre imagination.

 

Ce film dresse le portrait d'une société futuriste. Outre l'idée originale du scénario, la prestation de Joaquin Phoenix et le décor plaisant dans les tons rouge, sans oublier les costumes qui rappellent les années 80, le film manque de rythme. La mise en scène se résume par des gros plans de Joaquin Phoenix puisqu'il discute avec une simple voix n'ayant pas de corps physique. Les deux heures apparaissent longues, l'idée de départ est bonne mais méritait d'être plus développée. Spike Jonze s'en tient uniquement à l'histoire d'amour entre les deux protagonistes, il néglige l'impact que cela peut avoir et ne s'attarde pas non plus sur les avantages. De plus, on ne croit pas au métier qu'exerce Théodore : rédiger des lettres. Un film assez plat, décevant, où l'ennui nous ronge au bout de la première heure. On retient surtout le contenant, apaisant par ses couleurs, ses décors. En ce qui est du contenu, un court-métrage aurait suffit pour mettre en avant l'originalité de l'histoire.


04/04/2014
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La pluie, avant qu'elle tombe de Jonathan COE

Rosamond LEHMANN

De génération en génération

Jonathan COE, romancier anglais, publie en 2009 un roman intitulé La pluie, avant qu'elle tombe. Etant réputé pour  évoluer dans la comédie satirique, ce roman s'apparente à un mélodrame qui a troublé ses fidèles lecteurs lors de sa sortie. En effet, la noirceur de cette œuvre ne nous fait pas sourire mais plutôt réfléchir, cogiter, et nous laisse plus ou moins affectés, bouleversés.

 

Rosamond vient de mourir, sa petite nièce, Gill, trouve à son domicile des cassettes enregistrées qu'elle est chargée de confier à Imogen, mystérieuse jeune fille. Ne la retrouvant pas malgré les initiatives prises, Gill écoute alors ces cassettes accompagnées de ses deux filles. C'est la voix de Rosamond que l'on entend. Le récit va ainsi se mettre en place. Rosamond apparaît alors comme la narratrice, elle décrit vingt photographies qu'elle a sélectionné avec soin, vingt photographies qui vont constituer les chapitres du roman de manière chronologique pour parvenir à révéler une vérité cruelle à la fameuse Imogen.

 

 

Pour écrire cette œuvre, Jonathan COE se glisse dans la peau d'une femme, Rosamond, qui est rongée par la maladie mais aussi par la tristesse, le passé. Celle-ci décrit minutieusement les diverses photographies afin d'ancrer une histoire, son histoire, celle d'une génération familiale centrée sur le rapport mère-fille. Chaque photographie est un souvenir qui permet de dévoiler le caractère profond de chaque personnage présent sur cette dernière, de capter une expression jamais observée dans la réalité. Paradoxalement, certaines photographies sont mensongères, la bonne humeur divulguée par les sourires n'est qu'illusion. L'image permet de raviver la mémoire de Rosamond, de décrire ce qu'il y a autour de la photo. Un procédé très original et captivant qu'utilise Jonathan COE pour construire son roman.

 

L'histoire de cette œuvre est belle à verser des larmes, haletante d'émotions. Le ton employé est calme, émouvant, nous écoutons Rosamond aux côtés de Gill et ses filles. Jonathan COE nous incite à nous poser une multitude d'interrogations sur le destin. Il peint le portrait d'une descendance familiale qui se trouve dans un cercle vicieux, cloisonné par des barricades, comme si le sort de chaque fille de cette famille était lié à celui de sa mère. Portrait de trois femmes instables, d'une génération déséquilibrée, qui nous conduit à nous poser de nombreuses questions sur la part de l'inné et de l'acquis, sur le hasard, sur la destiné de chacun.


25/03/2014
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Tonnerre de Guillaume BRAC

Tel un coup de tonnerre !

 

 C'est en 2011 que l'on découvre Guillaume Brac avec son premier film, un court-métrage intitulé Un monde sans femmes. Tonnerre n'est pas si éloigné de ce court-métrage, Vincent Macaigne (vu l'année dernière dans La fille du 14 juillet d'Antonin Peretjacko, dans La bataille de Solferino de Justine Triet ainsi que dans Deux automnes, trois hivers de Sébastien Betbeder) illumine le casting dans les deux films de Guillaume Brac qui aborde un thème similaire, le rapport amoureux.

 

Tonnerre met en scène Vincent Macaigne dans le rôle de Maxime, un trentenaire qui vit de sa musique, rocker, de retour chez son père à Tonnerre. Il rencontre la jeune Mélodie lors d'une interview qu'elle lui accorde pour la presse régionale. Maxime va tomber radicalement sous son charme. Après avoir entretenu une relation amoureuse avec celle-ci, jeune fille perdue dans ses sentiments, indécise, elle décide de retourner dans les bras de son ex petit ami, Adam, ce qui va faire naître en lui une profonde jalousie.  Par ailleurs, c'est Bernard Menez, exceptionnel, qui interprète le rôle du père.

 


Bernard Ménez dans le rôle de Jean-Claude, surpris aux toilettes par Mélodie, la petite amie de Maxime.

 

Ce film apparaît, de loin, le meilleur film de ce début d'année. En effet, il illustre parfaitement la génération actuelle des trentenaires, génération qui a du mal à s'insérer professionnellement, à se trouver, à s'engager dans une relation amoureuse stable. Maxime vit chez son père et adopte un comportement similaire à celui d'un adolescent, jaloux, lève-tard, il rappelle fatalement la jeune génération, la crise d'adolescence. De plus, lorsque Mélodie lui annonce leur rupture, il agit sans réfléchir sous le coup de la colère, comportement typiquement similaire à celui d'un adolescent inapte à contrôler ses sentiments. Ce dernier semble à mi-chemin entre l'adolescence et l'âge adulte. Ainsi, celui-ci illustre une profonde réalité, les trentenaires actuels ont de plus en plus de mal à se considérer comme de réels adultes, ils restent jeunes plus longtemps qu'il y a vingt ans.

 

Par ailleurs, Tonnerre ne se contente pas de dresser uniquement un portrait générationnel. Guillaume Brac n'hésite pas à prendre son temps pour filmer le paysage, le vide. Il montre les deux facettes de la ville où se déroule ces évènements : le côté rural avec la maison où vit le père de Maxime qui contraste fortement avec le côté urbain où habite Mélodie, dans une résidence impersonnelle offrant un parking souterrain.

 

        Mélodie et Maxime lors d'une dégustation de vin.

 

Loin des artifices, Guillaume Brac dresse un portrait générationnel dans un film très réaliste. Il est rassurant de voir (enfin) un film générationnel qui ne se passe pas dans les beaux quartiers de Paris mais en Province, dans un petit village où neige et froid sont au rendez-vous, où les acteurs apparaissent totalement naturels. Ces derniers nous offrent une performance exceptionnelle. De surcroît, le paysage, à travers  la caméra de Guillaume Brac, semble presque envieux. Ce film rappelle plus ou moins les films de Maurice Pialat qui s'affirmait dans un naturalisme cru ainsi qu' Un monde sans pitié d'Eric Rochant, à la différence que celui-ci se déroule à Paris. Tonnerre apparaît toutefois dans le même esprit que ce dernier par son côté générationnel, mettant en scène une jeunesse perdue, volage et insouciante.

 


16/03/2014
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César 2014

Un Palmarès consensuel

 La cérémonie des César de cette année fut, de façon générale, assez ennuyeuse ! Cécile de France apparaissait peu convaincante, Antoine de Caunes était plus impertinent. Quant à François Cluzet, il a plus ou moins réussi à dessiner quelques sourires sur nos visages. Rappelons l'essentiel, le palmarès :

Meilleur espoir féminin : Adèle Exarchopoulos pour La vie d'Adèle

Meilleur scénario original : 9 mois ferme d'Albert Dupontel

Meilleur second rôle : Niels Arestrup pour Quai d'Orsay

Meilleure musique originale : Martin Wheeler pour Michael Kohlhaas

Meilleur costumes : Pascaline Chavane pour Renoir

Meilleurs décors : Stéphane Rozenbaum, L'écume des jours

Meilleur espoir masculin : Pierre Deladonchamps pour L'Inconnu du Lac

Meilleur documentaire : Sur le chemin de l'école de Pascal Plisson

Meilleure adaptation : Guillaume Gallienne pour Les garçons et guillaume, à table

Meilleur court métrage d'animation : Mademoiselle Kiki et les Montparnos d'Amélie Harrault

Meilleur film d'animation : Loulou, l'incroyable secret d'Eric Omond

Meilleur son : Jean-Pierre Duret pour Michael Kohlhaas d'Arnaud des Pallières

Meilleur montage : Valérie Deseine pour Les Garçons et Guillaume, à table

Meilleure photo : Thomas Hardmeier pour L'extravagant voyage de T.S. Spivet (seule nomination du film de Jean-Pierre Jeunet)

Meilleur court métrage : Avant que de tout perdre, de Xavier Legrand

Meilleur film étranger : Alabama Monroe, de Felix Van Groeningen

Meilleur second rôle féminin : Adèle Haenel dans Suzanne de Katell Quillévéré

Meilleur réalisateur : Roman Polanski pour La Vénus à la fourrure

Meilleur acteur : Guillaume Gallienne pour Les Garçons et Guillaume à table

Meilleure actrice : Sandrine Kiberlain pour 9 mois ferme

Meilleur film : Guillaume et les Garçons, à table de Guillaume Gallienne


                         Guillaume, dans le rôle de sa mère dans Les Garçons et Guillaume, à table !

 

Guillaume Gallienne arrive en tête du classement en accumulant 5 César. Guillaume et les garçons, à table est certes un film très plaisant, une comédie où l'on rit incessamment. Cependant, Guillaume Gallienne ne méritait pas, selon moi, le césar du meilleur acteur, ni du meilleur film ! Quant au césar de la meilleure adaptation, sans vouloir s'acharner, adapter son propre spectacle me paraît moins rude que de se lancer dans l'adaptation d'un roman graphique, par exemple. Le film de Gallienne est très drôle dans la mesure où le réalisateur se met en scène en jouant sur l'autodérision dans une multitude de sketchs originaux et très amusants. Nous retenons toutefois quelques bémols, les fameux sketchs sont entrecoupés d'images de Guillaume sur la scène du théâtre, ce qui a tendance à casser le rythme du film. Effectivement, un film plus élaboré, en éliminant complètement les images du théâtre aurait contribué à parfaire le film et à le valoriser cinématographiquement. 

 

Un palmarès qui apparaît consensuel, assez aberrant ! Rien pour Mathieu Amalric qui n'a pas cessé de nous impressionner cette année, notamment dans Jimmy P. de Desplechin ainsi que dans La Venus à la fourrure de Polanski. Un seul et unique César pour le film de Kechiche et pour le film de Guiraudie, deux œuvres artistiques très fortes. Guiraudie aurait mieux su recevoir le César de meilleur film. Un plaisir toutefois de voir Polanski recevoir le César du meilleur réalisateur. Quant au césar de la meilleur actrice, il fut bon et pertinent de le décerner à Sandrine Kiberlain qui le méritait largement. En effet, impressionnante dans Tip Top de Serge Bozon aux côtés d'Isabelle Huppert et de François Damiens, excellente dans 9 mois ferme  d'Albert Dupontel et très drôle dans Les Gamins, cette année, dans laquelle elle réalise un sans fautes dans trois comédies françaises, a su la mettre en avant .

 

Sandrine Kiberlain, François Damiens et Isabelle Huppert dans Tip Top de Serge Bozon

 

La remise de prix m'étonne souvent, l'attribution des César est souvent décevante, consensuel, parfois œcuménique. Les meilleurs films sont rarement aussi bien récompensés qu'on le supposait. Cette année, c'est un palmarès consensuel, on préfère récompenser un petit film drôle, une comédie plaisante sur un type (bien que j'aime beaucoup Guillaume Galienne) qui se croyait homosexuel en dépit de magnifiques œuvres artistiques où de réelles scènes de sexe gay sont mises en scène...

 

 


28/02/2014
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